Après avoir sombré dans une dépression suicidaire, Morgane a été prise en charge à l’hôpital psychiatrique de Bégard. Aujourd’hui, elle a surmonté cette épreuve et est prête à se réinsérer dans la vie « à l’extérieur ».
«Il y a 10 ans, je ne me serais pas crue capable de faire ça. » En acceptant cette interview, Morgane, 29 ans, passe un cap qui témoigne de l’avancée de son parcours de guérison. Cette rencontre contraste avec sa vie d’alors, quand elle était repliée sur elle-même et craignait les rapports sociaux.
En cause, les blessures qu’elle a endurées dans son passé. « Harcèlement scolaire, passé familial douloureux… À 19 ans, je n’avais envie de rien, je ne voulais plus être là. J’ai tenté de sauter du septième étage. Heureusement, on a réussi à me rattraper à temps. »
Une vie rythmée par les prescriptions médicales
Assurée dans ses propos, la jeune femme au tee-shirt mauve retrace son cheminement, entre les séances avec sa psychologue, l’hôpital de jour et les activités prescrites par le médecin.
Après sa tentative de suicide, une ambulance la transporte à l’hôpital Bon Sauveur. Elle passe trois jours enfermée dans une chambre, sans avoir accès à la salle de bain, remplie d’objets « potentiellement dangereux ». Pour fumer, elle attend que la cour du bâtiment soit libre, afin de ne pas être en contact avec d’autres personnes.
S’ensuit une longue période à l’hôpital de jour, avec des médicaments à prendre. Plus surprenant, le médecin lui prescrit des activités pour la faire sortir de force de son enfermement intérieur. La nouvelle arrivante peut choisir entre du sport, du jardinage, l’entretien d’un mini-golf ou son exercice favori : servir à la cafétéria.
Retrouver les plaisirs de la vie quotidienne
D’abord réticente, Morgane apprend à accepter l’aide qu’on lui propose. Elle commence sa lente réinsertion « à l’extérieur ».
La patiente est reçue par une famille d’accueil thérapeutique. Elles sont chargées d’accompagner les patients dans les tâches du quotidien et de leur apprendre à apprécier de nouveau la vie. Avec la sienne, elle redécouvre les plaisirs et les obligations de la vie de famille. « On faisait des balades, il fallait que je prenne le temps de vivre, d’apprécier le soleil, les plantes et les tâches ménagères ! »
L’amour comme médicament
C’est dans sa famille d’accueil qu’elle rencontre son futur mari, en 2009. « J’ai tout de suite su que c’était l’homme de ma vie. Je l’ai senti dans ma tête, dans mon corps, même dans ma façon de parler et de rire. C’était la libération ! », déclame-t-elle avec passion.
Cet élan lui donne la hargne de s’en sortir. Elle intègre une succursale de l’hôpital qui accompagne les patients dans les tâches quotidiennes jusqu’à leur guérison. Une chambre en colocation est mise à sa disposition au sein du Bon Sauveur.
Les débuts sont difficiles et la colère toujours présente. Après tant d’efforts, Morgane a du mal à supporter qu’on lui dise ce qu’elle doit faire : « J’avais du mal avec l’autorité. J’étais en train de reprendre confiance en moi. Exprimer mon mécontentement me permettait de reprendre possession de moi-même. »
Maintenant allégée par sa prise en charge sous curatelle, soulagée par son suivi psychologique, Morgane attend qu’une place se libère pour travailler dans un établissement pour personnes handicapées.
Dix ans après, lorsqu’elle regarde son histoire avec du recul, elle n’y voit rien de dramatique : « En fait, on est tous un peu malade, faut pas croire, on a tous un grain dans la tête. »
Loréna Bordiec