Comme 2 à 5% de la population française, Laurence Meuric est atteinte de fibromyalgie. Cette maladie se caractérise par des douleurs diffuses et multiples, dont la cause n’est pas connue actuellement, et qui englobe une centaine de symptômes différents, ce qui la rend difficile à déceler. Pour cette femme de 46 ans, l’errance diagnostique a duré une année.
Assise sur le fauteuil de son salon, dans sa maison de Trébeurden, Laurence Meuric sourit malgré une mine fatiguée. Elle a découvert en 2012 qu’elle souffrait de fibromyalgie. Une pathologie qui se caractérise notamment par des douleurs chroniques et une fatigue extrême. « C’est pour ça que j’ai du mal à rester debout. Mes muscles ne tiennent pas. »
Doucement, Laurence retrace son parcours. Plusieurs centaines de feuilles entre les mains, elle se remémore l’apparition des premiers symptômes. C’était en septembre 2011, après une opération de la thyroïde compliquée. Des douleurs soudaines et insupportables bouleversent alors son quotidien. « Du jour au lendemain, je me suis mise à avoir mal tout le temps, particulièrement aux épaules, au trapèze. On m’a dit que c’était à cause du positionnement de la tête pendant l’opération, mais j’avais de plus en plus mal et j’étais de plus en plus fatiguée », se souvient-elle.
Mettre un mot sur les souffrances
Malgré des douleurs permanentes, Laurence estime avoir« de la chance » : elle a été diagnostiquée au bout de « seulement » un an, quand d’autres ne le sont parfois qu’au bout de cinq, voire dix ans. « L’étape la plus compliquée, c’est celle du médecin, qu’on doit convaincre qu’on a mal même s’il ne voit rien sur les examens », analyse la quadragénaire. En avril 2012, plus de six mois après l’apparition des premiers symptômes, son médecin généraliste l’envoie vers un rhumatologue, qu’elle rencontre en octobre 2012. Le diagnostic est posé : Laurence est atteinte de fibromyalgie. « Il y avait enfin un nom sur mes douleurs. Quand on souffre au quotidien et qu’on ne sait pas ce qu’on a, on se dit tout : on finit par se dire que c’est dans notre tête, ou alors qu’on a peut-être une maladie incurable que les médecins ne veulent pas nous avouer… »
Puisque rien ne peut guérir définitivement la maladie, les personnes atteintes de fibromyalgie se voient contraintes d’adapter leurs activités quotidiennes, de peur de trop souffrir en cas d’efforts. « Il y a plein de choses qu’on ne peut plus faire. Il faut écouter davantage son corps… Il faut compter trois ou quatre jours pour faire le ménage, se limiter à une demi-heure de marche… Mais j’essaie quand même de continuer à sortir pour me changer les idées. » La veille de notre rencontre, justement, Laurence et son mari sont sortis marcher. Gilles, assis sur le canapé, regarde sa femme épuisée avec tendresse. « On a été se promener pendant une heure parce qu’on avait des amis donc on s’est forcés un peu, et depuis elle ne fait que de dormir. Il va lui falloir trois jours pour s’en remettre. »
Laurence sort un des innombrables dossiers contenant ses documents médicaux : ordonnances, résultats d’examens… Les malades ne se voient rien prescrire à part des anti-douleurs, pas toujours efficaces. Laurence a choisi d’arrêter les traitements en juillet 2017, constatant qu’ils lui provoquaient trop d’effets secondaires alors même qu’ils ne calmaient pas réellement la douleur. Elle a donc choisi de se tourner vers des médecines alternatives : en plus de la kinésithérapie, elle a recours à la balnéothérapie (soins effectués par des bains généraux ou locaux) et à la gym douce, et a même été voir un guérisseur. « Ce sont nos seules solutions, il ne nous reste plus que ça… », confie Laurence.
Incompréhension et isolement
Le grand regret de Laurence : que la maladie soit si méconnue, entraînant chez les patients un sentiment d’isolement et d’incompréhension. La réaction de l’entourage, en premier lieu, est décisive. Gilles, le mari de Laurence, la soutient depuis le début. « Je la connais, ce n’était pas dans ses habitudes de rester prostrée. Je voyais bien que quelque chose n’allait pas », raconte-t-il, avant de laisser sa compagne poursuivre. « Mais il y a des amis et des collègues qui n’ont pas compris, qui disaient que je n’avais pas envie de travailler, que j’étais juste fainéante… »
Pour lutter contre ce sentiment d’isolement et libérer la parole des malades, Laurence a créé l’association Ma fibromyalgie au quotidien en 2015, parce qu’ « une fois diagnostiqués, on est lâchés dans la nature sans savoir quoi faire ou à qui parler ». L’objectif : aider les malades dans leurs démarches, mais surtout leur permettre d’échanger entre eux pour qu’ils se sentent moins seuls. Ils le font au travers de cafés-rencontres, mais surtout d’un tchat, qui regroupe 2 500 personnes atteintes de fibromyalgie en France. « Il y a beaucoup de gens qui n’ont personne à qui en parler, et ce tchat est leur seul moyen de sortir du désarroi et de l’isolement. »
Le coucher de soleil, dont les couleurs traversent les vitres de la porte-fenêtre du salon, se reflète sur les cheveux bruns de Laurence. Lunettes sur le nez, vêtue d’une robe à fleurs, elle sourit. Après plusieurs années de difficultés au travail à cause de sa maladie, elle reprendra une formation via un Centre de réadaptation professionnelle (CRP) dans quelques semaines. Huit ans après l’arrivée de la maladie dans sa vie, elle garde son optimisme naturel.
Cassandre Leray et Anouk Loisel
Crédits photos : Cassandre Leray