Plus de 20% des Français ne seraient pas à l’aise avec le numérique. Face au manque de maîtrise des outils informatiques, chacun sa méthode pour se sortir de l’isolement. 

En 2022, toutes les démarches administratives devraient être dématérialisées. C’est l’objectif du programme du gouvernement intitulé « Plan d’action 2022 ». Une difficulté supplémentaire pour les personnes ayant déjà du mal avec l’informatique.

Une fracture numérique importante

Équipements coûteux, manque de formation, de connexion ou encore désintérêt pour le digital. Les raisons expliquant la fracture numérique en France sont multiples. 

Une étude menée par l’institut CSA et le syndicat de la Presse Sociale en juin 2018 montre que 23% des Français ne sont pas à l’aise avec le numérique. Un pourcentage encore plus élevé pour les personnes de 70 ans ou plus. 57% de l’échantillon interrogé a affirmé ressentir des difficultés majeures avec le numérique. Le manque de connaissances et de compétences lors de l’exploitation d’outils numériques porte un nom : l’illectronisme

Vivre sans outils numériques, c’est possible

Jusqu’à l’année dernière, dans certaines zones de Pluzunet, l’accès à Internet était très compliqué. Pourtant, l’amélioration de la connexion n’a pas donné envie à tous les habitants de se précipiter vers le premier ordinateur venu. André Lefèvre, 80 ans, n’en a pas touché un seul depuis qu’il est à la retraite. Cela fait vingt ans. Ancien instituteur, ses rares usages du numérique se limitaient à la projection d’un diaporama. Dans la pièce centrale de la maison se trouvent beaucoup d’ouvrages avec des brochures d’articles coincées entre les pages. « Dès qu’il lit un article sur un auteur, il le découpe et le met dans un livre », explique sa femme, Annie, 65 ans. Une imprimante et un ordinateur trônent non loin de la table où est assis André. Lorsqu’il parle, il jette quelques coups d’œil furtifs aux machines.

« Chaque jour, j’écris deux ou trois lettres », raconte André, une carte dans une main et un stylo dans l’autre. Il les rédige sur les photos prises par sa femme, Annie. André les envoie à ses filles et ses amis. Celui que sa femme surnomme affectueusement « mon dinosaure » refuse catégoriquement d’utiliser Internet pour communiquer. Quant aux possibles messages reçus via Internet, ils doivent tous être convertis sur le papier.

La cohabitation est forcée. Lui n’estime pas avoir besoin du numérique au quotidien. Son crédo ? Avoir du temps. À ses yeux, les ordinateurs en font perdre. À la place, il lit. Le Monde, Le Télégramme, Libération… Bien loin du monde « formaté » d’Internet. Ce qui ne l’empêche pas de demander à sa femme lorsqu’il a besoin de certaines informations.

Seule Annie utilise l’ordinateur. Lorsqu’elle travaillait comme pharmacienne, elle devait déjà s’en servir. Aujourd’hui, elle s’est décidée à prendre des cours, dans l’objectif de maîtriser les logiciels de retouche pour ses photos.

Sortir de l’illectronisme, une volonté

Comme Annie, de nombreuses personnes décident de se tourner vers les formations au numérique. Si certains ne ressentent pas le besoin de maîtriser l’informatique, d’autres décident de mettre toutes les chances de leur côté pour sortir de l’isolement. De multiples associations proposent aujourd’hui des formations à l’utilisation des outils numériques, que ce soit pour communiquer avec des proches, suivre l’actualité, ou effectuer des démarches administratives. Dans le Trégor, l’association Promouvoir et Agir en Trégor Goëlo propose des cours chaque semaine. À Lannion comme à Pluzunet, les temps de formation sont un succès. Ouverts à tous, les cours de Pluzunet rassemblent plus de 90 personnes, dont une majorité de retraités. Yvon Grall, retraité de la Poste, est inscrit depuis octobre 2018. Pour lui, maîtriser le numérique est important. S’il dispose d’un ordinateur depuis quelques années, il reconnaît volontiers avoir des difficultés à se mettre à la page. « Ce n’est pas ma tasse de thé », sourit-il. 

Comme la dizaine d’autres retraités présents dans la salle, Yvon suit attentivement les consignes. Au fil du cours, les « élèves » se livrent sur leur adaptation au numérique. Lucienne Allain, 69 ans, a décidé de se former à l’informatique depuis que Pluzunet bénéficie d’une meilleure connexion Internet. « Avant on était en zone blanche, donc je n’avais pas besoin d’ordinateur. Nous n’avions pas Internet. » 

S’il est désormais plutôt aisé de trouver une formation au numérique, il est parfois plus difficile d’utiliser Internet à la maison. Véritable facteur de la fracture numérique, la connexion est bien souvent répartie de manière inégale. Sur le territoire de Lannion-Trégor Communauté, l’accès au haut-débit est loin d’être le même selon les communes. D’ici fin 2019, la plupart des zones prioritaires, comme Trégrom, devraient être équipées de la fibre optique. Les communes de Pluzunet, Ploubezre ou Vieux-Marché, ne seront pas raccordées avant 2023. 

 
 
Garance Diaconu, Nicolas Mayart et Léo Roussel
Crédit photos : Garance Diaconu et Léo Roussel
 
 
 

One thought on “L’illectronisme, c’est grave docteur ?”

  1. Bonjour
    pouvez-vous nous envoyer un exemplaire papier..pour mon .. dinosaure..
    Remerciements anticipés
    Annie Lefèvre

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